L'auteur
Jean de La Bruyère commence tout d’abord sa carrière en tant qu’avocat. Mais il arrêtera rapidement et connaîtra suite à cela une forte ascension sociale : il obtient un titre de noblesse, il devient précepteur du duc de Bourbon et fréquente la cour. Il peut donc observer ce qu’il s’y passe. En 1688, il publie Les Caractères. C’est la première édition, qui connaît un grand succès et qui sera régulièrement rééditée parce que son auteur rajoute de nouveaux fragments.
L'œuvre
Nous l’avons vu, La Bruyère fait partie de la cour, il a donc accès à ce milieu et peut étudier ses caractéristiques. Ses Caractères découlent donc directement de ses observations. Société, économie, politique, aucun domaine n’est épargné et La Bruyère va dénoncer tous les défauts qu’il perçoit comme tels. L’ouvrage, intitulé Les Caractères ou les Moeurs de ce siècle, se compose de seize livres, qui vont contenir une forte dimension satirique. La Bruyère est un moraliste, c’est-à-dire un auteur qui va dénoncer les moeurs de son temps, en concluant ses réflexions par une morale. Ses Caractères s’inscrivent dans la même perspective que l’oeuvre éponyme de Théophraste, auteur grec du 4e siècle avant JC.
Parmi les seize livres au programme des Caractères, seuls les livres V à X sont au programme du bac et feront l’objet d’une étude. Chacun de ces livres est divisé en remarques, qui vont dépeindre les défauts des hommes mais aussi de la société. En effet, le titre complet de l’oeuvre est Les caractères ou les moeurs de ce siècle. Les « caractères » renvoient au latin character signifiant « signe distinctif », qui s’est par la suite appliqué aux hommes : « signe distinctif d’une personne ». Les moeurs renvoient à la société.
- Livre V : « de la société et de la conversation ». Comme sous-entendu par ce titre, La Bruyère étudie les rapports entre les hommes dans ce livre, notamment les échanges lors de discussions. Il met en valeur le fait que les hommes ne s’écoutent pas, et dans leurs conversations, ils ne cherchent qu’à se valoriser. La parole ne sert plus à communiquer, mais à créer des conflits.
- Livre VI : « des biens de fortune ». Comme le titre l’indique, il s’agit d’étudier le rapport à l’argent et le fait que cela pervertisse la société.
- Livre VII : « de la ville ». Dans ce livre, La Bruyère dénonce de manière virulente la ville, lieu par excellence où se développe la comédie sociale, puisque chaque classe sociale veut imiter celle qui lui est supérieure, et joue donc un rôle. Dans cette société, seules les apparences comptent : le monde est une pièce de théâtre, dans laquelle tous sont hypocrites.
- Livre VIII : « de la cour ». L’association du monde à une pièce de théâtre est prolongée, puisqu’après être appliquée à la société, elle est étendue à la cour. La cour est présentée comme un monde hypocrite où seules les apparences comptent. Les courtisans sont orgueilleux, hypocrites, fiers.
- Livre IX : « des grands ». Les grands sont les hommes qui proviennent de familles ayant du pouvoir. Ils ont une nette impression de supériorité sur les autres, qui, impressionnés, se soumettent à leur autorité.
- Livre X : « du souverain ou de la république ». Dans ce livre qui parle de Louis XIV, La Bruyère critique le pouvoir mené par le souverain, notamment en ce qui concerne la politique militaire. Il conclut en prodiguant des conseils.
Les thématiques abordées
Le theatrum mundi, c’est-à-dire le théâtre du monde : cette expression signifie que la vie en société ressemble à une pièce de théâtre ; en d’autres termes, les hommes jouent un rôle, sont hypocrites, le monde est plein de faux-semblants puisque chacun incarne un personnage qu’il crée à sa convenance en masquant ses véritables sentiments. Cette conception est particulièrement intéressante à analyser dans l’optique de la remarque 99 du livre VIII :
« Dans cent ans le monde subsistera encore en son entier : ce sera le même théâtre et les mêmes décorations, ce ne seront plus les mêmes acteurs. Tout ce qui se réjouit sur une grâce reçue, ou ce qui s’attriste et se désespère sur un refus, tous auront disparu de dessus la scène. Il s’avance déjà sur le théâtre d’autres hommes qui vont jouer dans une même pièce les mêmes rôles ; ils s’évanouiront à leur tour ; et ceux qui ne sont pas encore, un jour ne seront plus : de nouveaux acteurs ont pris leur place. »
La société du XVIIe siècle : les portraits de La Bruyère sont inspirés des hommes qu’il côtoie au sein de la cour, ou qu’il a pu côtoyer avant d’intégrer ce milieu. Il va, dans ses remarques, mettre en valeur les défauts, les mauvais comportements, qui caractérisent la société du XVIIe siècle. Il va pointer du doigt l’hypocrisie, l’intérêt pour l’argent, le mépris des pauvres, mais aussi le concentré de vices que rassemble la cour et la ville, qui créent une séparation entre les classes sociales, qui ne valorisent pas la vertu ni le mérite mais l’argent. La Bruyère va également dénoncer le pouvoir du roi, qui gère mal les guerres qui sévissent, qui sert ses propres intérêts et qui agit comme un tyran.
L’honnête homme : La Bruyère dresse le portrait de l’honnête homme, c’est-à-dire de l’homme idéal, vertueux, à travers ses remarques. En effet, derrière les critiques de certains traits de caractère, on entraperçoit la description d’un homme vertueux, exemplaire. Cet honnête homme est cultivé, sobre et mesuré ; il n’est pas imbu de lui-même, n’accorde pas sa considération selon la richesse d’une personne, et n’a pas pour seul objectif de s’enrichir à tout prix. Il ne vit pas dans le paraître.
Le parcours associé : "la comédie sociale"
Ce parcours nous invite à rapprocher la comédie, genre théâtral, et la société. Or, cette oeuvre n’est pas une pièce de théâtre. Il faut donc étudier le terme « comédie » sous l’angle des faux-semblants, de l’hypocrisie, de la théâtralité. Les personnages des Caractères ont une certaine théâtralité, puisqu’ils jouent un rôle comme des comédiens : ils sont hypocrites et la société est pleine de faux-semblants. Ils essayent de passer pour quelqu’un qu’ils ne sont pas (plus riche…), ils manquent de sincérité et leurs rapports aux autres et au monde est régi par les apparences.