Définitions
Ce mot vient du terme latin cum scientia, ce qui signifie « avec science ». C’est le fait d’appréhender ce qui se passe à l’intérieur de soi, de la simple connaissance de notre existence à la capacité à émettre des jugements moraux.
La « conscience » renvoie à plusieurs éléments : avoir « bonne conscience » quand nous agissons bien, agir « consciencieusement » quand nous agissons avec soin et attention, « prendre conscience » de quelque chose lorsque nous faisons preuve de lucidité, « perdre conscience » lorsque l’on s’évanouit… De multiples sous-entendus donc, qui seront à questionner dans ta copie !
La conscience définit-elle l'homme ?
Il existe trois niveaux de conscience :
- la conscience pré-réflexive, qui est la forme élémentaire de conscience : on sait qu’on est en vie ;
- la conscience réflexive, on sait qu’on est nous-même : je dis « je » et quand je le dis, je sais que je parle de moi, que je me désigne moi ;
- la conscience morale : c’est ce que Kant appelle le « tribunal intérieur », puisque celui qui en est doté est capable de juger de la valeur morale de ses actes et de ses pensées (sont-ils justes ? injustes ? …).
Pour Emmanuel Kant, atteindre tous les niveaux de conscience n’est pas immédiat. Au début, l’enfant n’a pas conscience de lui-même, il n’a pas conscience de penser. Il a simplement conscience d’être vivant. Il ne sait pas exprimer ce qu’il ressent, ni se désigner à la première personne. Il va pleurer pour exprimer des besoins qu’il ne va pas réussir à formuler : c’est sa conscience pré-réflexive, il est conscient d’être vivant et de ressentir une émotion négative (faim, soif…) qui déclenche ses cris. Puis, quelques années plus tard, l’enfant va apprendre à dire « je » pour parler de lui : au début, il se désigne en s’appelant par son prénom (« Tom veut manger » au lieu de « je veux manger »), et cela montre qu’il a atteint le niveau de conscience réflexive : il se pense et sait qu’il est lui-même. Enfin, quand il sera capable de juger du bien-fondé d’une action, il aura atteint le dernier stade : la conscience morale.
Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique :
« Que l’homme puisse posséder le Je dans sa représentation, cela l’élève infiniment au-delà de tous les autres êtres vivants sur la terre. C’est par là qu’il est une personne, et grâce à l’unité de la conscience à travers toutes les transformations qui peuvent lui advenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être totalement différent par le rang et par la dignité de choses comme les animaux dépourvus de raison […] et cette différence est présente même quand il ne peut pas encore prononcer le Je, parce que néanmoins il le possède déjà dans sa pensée […]. »
Cela signifie que l’homme, parce qu’il sait qu’il est lui-même, qu’il sait que c’est lui qui pense ce qu’il pense, qui dit « je » pour se désigner, en un mot, parce qu’il possède la conscience, il est supérieur aux autres vivants qui ne possèdent pas la raison et l’intelligence.
Blaise Pascal, dans ses Pensées, met en avant l’idée que grâce à sa conscience, l’homme réfléchit : pour lui, l’homme est un « roseau pensant » parce que son corps est certes fragile, mais son esprit le distingue des autres vivants. C’est sa conscience qui fait sa supériorité sur les autres éléments du monde. Cette thèse sera rejointe par Kant, comme prouvé précédemment.
Mais lisons ce que nous dit ce cher Pascal dans ses Pensées :
« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui. L’univers n’en sait rien. »
Descartes va plus loin : si Kant et Pascal mettent en avant le fait que la conscience est une caractéristique de l’humanité qui va l’élever par rapport aux autres vivants, pour lui, cela va au point de considérer que l’homme n’est que conscience. Qui ne connait pas la célèbre citation « Cogito ergo sum » (je pense donc je suis) ? Dans sa deuxième méditation métaphysique, Descartes avance que la seule certitude concernant la nature de l’homme est qu’il est une conscience, parce que la pensée est le seul attribut qui détermine l’homme sans que celui-ci ne puisse la remettre en question.
Pour Aristote, les êtres vivants possèdent tous une âme, mais pas tous la même :
- l’âme végétative : celle des plantes leur permettant de se nourrir et de se reproduire,
- l’âme sensitive : en plus de l’âme végétative, elle permet aux animaux de percevoir,
- l’âme motrice : en plus des âmes végétative et sensitive, elle permet aux animaux de se déplacer,
- l’âme intellective : propre aux hommes, et en plus des âmes végétative, sensitive, motrice, elle leur permet de penser.
Mais la conscience ne suffit pas à définir l'homme
C’est Hobbes qui le met en valeur : la démonstration de Descartes a des limites. En effet, je pense et cela prouve que penser, donc posséder une conscience, est une caractéristique de l’homme, puisque si je pense, nécessairement j’existe. Mais cela ne prouve pas que je ne suis qu’un esprit, ce n’est pas parce que j’ai une conscience que je ne suis qu’une conscience ! Etre conscient, c’est aussi être un corps, puisqu’il y a un lien entre conscience et cerveau. Donc sans corps, pas de conscience !
D’autres situations problématiques apparaissent et montrent que la conscience ne peut pas définir l’homme :
- quand on dort, quand on rêve, on n’est pas conscient de dormir ni que notre rêve n’est pas réalité : cela ne veut pas dire que nous ne sommes plus humains durant notre sommeil ;
- quand on perd connaissance, quand on est dans le coma, quand on prend de l’âge et qu’on a de moins en moins conscience de nos gestes, cela ne veut pas dire que notre humanité diminue !
La conscience est donc une caractéristique des êtres vivants et chaque être vivant possède une forme de conscience plus ou moins aboutie qui détermine son espèce.
La conscience ne permet pas forcément à l'homme de mieux se connaître
Parce que l’homme possède une conscience, il est en mesure de s’appréhender, de se connaître, de comprendre ce qui se passe en lui et ce qui l’agite. Mais cette capacité est limitée !
D’où le fameux « Connais-toi toi-même » de Socrate : parce que l’homme possède la conscience, il doit effectuer un voyage intérieur, une introspection, afin de déterminer qui il est véritablement, sans se laisser duper par ses désirs, ses illusions…
C’est ce que souligne Spinoza, pour qui le désir empêche l’homme de savoir qui il est vraiment : « Les hommes se trompent en ce qu’ils se pensent libres, opinion qui consiste seulement en ceci, qu’ils sont conscients de leurs actions, et ignorant des causes qui les déterminent. »
Parce que nous sommes conscients de ce que nous faisons, nous pensons que nous sommes libres grâce à notre conscience : mais c’est un leurre, une erreur, parce que nous savons comment nous agissons mais pas pourquoi nous agissons. Notre conscience a donc des failles et ne témoigne pas d’une parfaite et totale connaissance de nous.
C’est aussi dans cette perspective que s’inscrit Freud (et c’est à approfondir avec le cours sur l’inconscient que tu peux retrouver ici), en mettant en valeur que l’homme ne connait qu’une part limitée de lui : l’homme ne connait pas tous ses désirs, il ne connait que ceux qui sont socialement acceptables, les autres sont refoulés.
Enfin, se connaître passe aussi paradoxalement par l’extérieur : je ne peux approfondir une quelconque connaissance de moi sans point de vue externe sur moi. C’est ce que met en valeur Sartre : pour bien me connaître, j’ai besoin des autres, qui sont les nécessaires médiateurs entre moi et moi et me permettent de corriger mes mauvaises interprétations de moi-même. C’est par le retour d’autrui que je me connais. Il agit comme un miroir, il me renvoie mon image.
Par exemple, si je pense être une personne chaleureuse et agréable, et que je ne comprends pas pourquoi personne ne vient me parler, mes amis m’annonceront peut-être que c’est parce que j’ai le visage fermé et parce que je regarde les autres avec méchanceté, et si personne ne me le dit, je ne pouvais pas m’en rendre compte, ma connaissance de moi était donc erronée sans l’analyse de mes amis !
Ping : Le langage - cours de philosophie, terminale
Ping : La conscience de soi est-elle une connaissance de soi ? -
Ping : L'inconscient - bac de philosophie
Excellent travail. C’est un cours bien illustré avec un style clair et précis.
Merci beaucoup ! 🙂
Ce cours m’est d’une grande aide. Je vous remercie pour votre travail et le temps que vous y avez consacré !!
Merci à toi pour ton gentil message ! Bon courage !