Définitions
Le devoir : une obligation, une action que l’homme doit faire en vertu d’une règle, mais il est libre de s’y soustraire.
La contrainte : pas de possibilité de se soustraire, pas de liberté, on est obligé d’accomplir le devoir. La contrainte est une forme de violence physique qui s’exerce par la force.
L’obligation : le sujet consent à obéir, il n’est pas entravé ni forcé, il le fait librement.
Le devoir a deux aspects : l’aspect moral, et l’aspect juridique. Le devoir juridique implique le respect de règles, de lois, sous peine de sanction. Le devoir moral n’est pas tenu par une loi ni une règle, il consiste à agir pour le bien. Ce qui les distingue est l’intention : le devoir juridique oblige par peur de la sanction, alors que le devoir moral implique le total consentement du sujet.
Pourquoi respecte-t-on nos devoirs ?
Le caractère obligatoire des devoirs moraux vient du respect de la religion : les commandements religieux, par exemple, sont des devoirs envers autrui. Il y a un lien très fort entre le devoir moral et la religion qui est à l’origine de cette notion.
C’est d’ailleurs ce que vont mettre en valeur certains philosophes : pour Bergson, le lien entre le croyant et Dieu a une finalité morale, c’est un devoir social qui vise à réaliser une meilleure humanité. La religion serait le fondement de la morale.
Mais Pierre Bayle rappelle qu’on ne peut pas dire que le croyant soit le seul à être moral. Le devoir moral aurait donc d’autres origines ?
Le respect du devoir provient également d’un instinct naturel de l’homme. C’est ce que souligne Rousseau : l’homme est naturellement bon, dans l’état de nature il se comporte bien. C’est la société qui le corrompt. Pourtant, Hobbes va s’opposer à ce point de vue : pour lui, l’homme dans l’état de nature n’aurait pas de devoir à respecter, les libertés seraient totales donc personne n’agirait de façon morale. La vie en société implique de respecter des devoirs qui garantissent notre sécurité mais aussi notre liberté, puisque ces devoirs (juridiques comme moraux) empêchent la loi du plus fort de régner et les individus d’être constamment en conflit.
Comment accomplir son devoir ?
Kant pense que la morale provient de la raison, c’est-à-dire que l’homme n’a pas besoin que des lois, des règles lui indiquent la marche à suivre ou comment se comporter. L’homme n’aurait besoin que d’utiliser sa raison pour le savoir. Il n’a pas besoin d’autorité ni de source extérieure puisque la morale est en lui. L’homme est autonome, il peut suivre ses propres règles que lui indiquent sa raison.
Les impératifs catégoriques selon Kant : puisque le devoir est en chacun de nous, nous sommes obligés de respecter des règles morales, universelles.
- « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle » : si l’on veut agir d’une certaine manière, pour vérifier que c’est la bonne manière d’agir, qu’elle est morale, je dois me demander si je souhaite que tout le monde agisse ainsi. Si la réponse est oui, l’action est morale.
- « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen » : il ne faut pas utiliser les autres ni nous-mêmes comme des moyens pour parvenir à nos objectifs, puisque chacun est une fin en soi, c’est-à-dire que chacun a des objectifs personnels et les détermine lui-même.
- « Agis comme si la volonté de tout être raisonnable était d’établir une législation morale universelle » : il faut respecter les règles morales qu’on trouve en nous-mêmes, comme si on voulait que ces règles soient appliquées à tout le monde et érigées en tant que modèle à suivre. La loi morale qui se trouve en nous doit être respectée.
Hegel va plus loin : pour lui, le caractère moral d’une action dépend de l’intention, mais aussi du résultat, des conséquences. Si le résultat n’est pas à la hauteur, l’action n’est pas forcément morale.
Faut-il respecter le devoir ?
Chacun d’entre nous porte en lui la possibilité de faire le mal. C’est à nous de lutter contre. C’est ce qu’avance Hannah Arendt en utilisant l’expression « la banalité du mal » durant le procès Eichmann en 1961, auquel elle assiste. En effet, pour elle, le totalitarisme peut changer un individu et le pousser à agir de façon meurtrière, sans même qu’il ne s’en rende compte. Cela ne justifie en aucun cas les crimes commis, cela montre simplement qu’en chaque homme peut se réaliser le mal. Le devoir moral doit alors intervenir pour contrer cette possibilité du mal, et indiquer au sujet comment agir, comment être moral, si les lois sont immorales et injustes. Et cela permet de lutter contre le devoir juridique : durant son procès, Eichmann n’a cessé de revendiquer n’avoir fait que son devoir de fonctionnaire…
Faut-il donc agir systématiquement conformément au devoir ? Non, comme le souligne l’exemple d’Eichmann : il faut agir conformément à notre devoir moral, parce que le devoir peut être néfaste, et l’homme qui agit par devoir peut le faire non par morale mais par peur de la sanction. C’est ce que souligne l’exemple de Glaucon, interlocuteur de Socrate dans La République de Platon : ceux qui accomplissent leur devoir ne le font pas avec de bonnes intentions, ce serait juste par peur de la sanction. Glaucon narre l’histoire de Gygès afin d’illustrer cela : ce berger respecte tous les devoirs à la lettre, mais un jour il découvre un anneau qui le rend invisible et il s’en sert alors pour tuer le roi et séduire la reine. Cela montre que certains ne respectent le devoir que par peur de la sanction et non par morale.