Le temps

Définitions

« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. Pourtant, je le déclare hardiment, je sais que si rien ne passait, il n’y aurait pas de temps passé ; que si rien n’arrivait, il n’y aurait pas de temps à venir ; que si rien n’était, il n’y aurait pas de temps présent. Comment donc ces deux temps, le passé et l’avenir, sont-ils, puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il est toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, mais de l’éternité. Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu’il est aussi, lui qui ne peut être qu’en cessant d’être ? Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus. » 

Saint-Augustin, Les Confessions

Saint-Augustin met l’accent sur le fait qu’il est très difficile de définir le temps, même si tout le monde sait ce que c’est. C’est une aporie : on ne sait pas comment sortir de cette impasse.

Différentes temporalités pour tenter de cerner le temps

Saint-Augustin va aussi souligner le fait que le présent n’est qu’un très bref instant de transition entre le futur et le passé :

  • Le passé n’existe plus, il n’est qu’un souvenir.
  • Le présent est ambivalent : il est le seul temps qui existe réellement, mais il devient immédiatement du passé, à la seconde où l’instant passe. En effet, au moment où vous lisez cette ligne, elle appartient au présent mais maintenant que vous l’avez presque terminée, le moment où vous avez lu le début de cette phrase appartient au passé ! Le présent est donc ambigu, puisque c’est le seul temps qui existe vraiment (le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore), mais il est aussi extrêmement éphémère : à peine est-il d’actualité qu’il a déjà basculé dans le passé.
  • Le futur n’existera jamais, ce n’est qu’une projection. On n’a aucune certitude d’y parvenir, et si on y parvient, à la seconde où il a lieu, il n’est plus du futur mais du présent !

Bergson va souligner les différentes temporalités existantes. Il y a une opposition entre le temps objectif (le temps tel qu’il existe objectivement, c’est-à-dire les heures, les minutes, les années, les saisons etc : le temps des horloges), qui s’écoule toujours de la même manière, et le temps subjectif (le temps tel qu’on le perçoit : en maths, quand on regarde sa montre il est 13h54, quand on la regarde 5 minutes plus tard, il est 13h55 : le temps passe lentement parce qu’on s’ennuie, on a l’impression que 5 minutes sont passées tant le temps est long. Alors que si on est en soirée avec des amis, si on regarde sa montre à minuit, et qu’on la regarde 5 minutes plus tard, il est 2h du matin, parce qu’on s’amuse donc on ne voit pas le temps passer !).

Le temps subjectif, Bergson le nomme « durée ». L’homme ne vit pas le temps objectif, le temps des horloges, parce qu’il le perçoit de manière personnelle et subjective : il ne vit que le temps tel que celui-ci est envisagé par la conscience. Et cette durée est détachée de la science, puisqu’elle est différente pour chacun de nous selon les circonstances : celui qui s’ennuie a l’impression que le temps est long, et celui qui s’amuse le trouve rapide.

Héraclite montre que le temps est très difficile à cerner. L’homme ne peut l’impacter ni le transformer. Au contraire, c’est lui qui impacte l’homme : « Le temps est un enfant qui joue en déplaçant des pions ». L’homme n’est donc qu’un pion déplacé par le temps, à sa guise. Ainsi, par exemple, le temps fait vieillir l’homme, sans que celui-ci ne puisse faire quoi que ce soit pour s’y opposer. 

 

Le malheur de l'homme lié au temps

Descartes : l’avenir est une promesse de bonheur, d’optimisme pour l’homme. Son esprit est tourné vers l’avenir. Problème : le temps présent est le seul qui compte.

Pour Pascal, l’homme est vain puisqu’il vit dans l’avenir ou dans le passé, c’est-à-dire deux temporalités qui ne sont pas les siennes. L’homme fantasme sa vie et se projette dans des temporalités inexistantes (les souvenirs ou l’imagination), ce qui le rend malheureux parce que le seul temps que l’on vit = le présent. Paradoxe : nous ne réfléchissons ni ne vivons dans le présent or c’est le seul temps qui existe. Le présent est blessant et c’est pourquoi on le fuit. Or, nous n’avons aucune assurance d’arriver dans l’avenir que nous projetons. 

Ce qui condamne l’homme au malheur, c’est aussi la conscience qu’il a de sa finitude : il est le seul être vivant qui sait qu’il va mourir. C’est dans cette perspective qu’il s’adonne au « divertissement », au sens de « se détourner de quelque chose » : ici, c’est un leurre, il se change les idées pour se détourner de son angoisse existentielle : il est mortel.

A ce titre, il est intéressant de mentionner le rôle de la religion : elle est aussi utilisée comme un moyen de se rassurer face à la mort et persuade le fidèle que son âme est immortelle. Elle permet de lutter contre l’angoisse existentielle du temps qui passe irrémédiablement !

L'homme peut avoir une certaine maîtrise sur le temps

Pour Sénèque, au contraire, l’homme a une certaine maîtrise du temps : « le temps seul est à nous. » Cela signifie que l’homme peut faire ce qu’il veut du temps dont il dispose, et s’il l’exploite bien, il ne le perd pas. Il ne s’agit pas d’angoisser face à sa finitude, ni de déplorer le caractère irrémédiable du temps, mais bien d’en tirer parti en en profitant !

D’ailleurs, il est aussi possible pour lui d’avoir une maîtrise d’autres temporalités que le présent : en effet, même s’il oublie une grande partie de son passé, sa mémoire lui permet d’avoir une certaine maîtrise sur celui-ci. Et à plus large échelle, la mémoire permet d’entretenir le souvenir d’évènements historiques, ce qui permet à l’homme d’avoir une histoire et de savoir d’où il vient ! La mémoire est donc le propre de l’homme, ce qui lui permet de savoir qui il est du point de vue individuel mais aussi historique, c’est ce qui constitue l’essence de l’humanité. 

C’est d’ailleurs dans cette perspective que Benjamin affirme que la mémoire permet de rendre actuels certains moments du passé : ce n’est pas parce que le passé historique est révolu qu’il a disparu. En effet, il peut être par exemple une source d’inspiration ou un modèle, ou alors un contre-exemple d’erreurs à ne pas reproduire !

Sujets type bac corrigés

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