Marivaux – Les Fausses Confidences

Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Son vrai nom est Pierre Carlet, mais il provient de la petite noblesse, alors il se fait appeler Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux. Il parvient à accéder à la Cour grâce à sa famille. Marivaux fait des études de droit, mais il n’exerce pas puisqu’il se repose sur la fortune de sa femme, très riche. Il écrit beaucoup : des comédies, des drames bourgeois, des romans (La Vie de Marianne et Le Paysan parvenu, inachevés).

Les Fausses Confidences

Représentée pour la première fois en 1737, cette oeuvre en trois actes a d’abord reçu un avis très mitigé de la part du public. La pièce portait alors le nom de La Fausse Confidence. Un an plus tard, renommée Les Fausses Confidences, elle est de nouveau jouée devant le grand public et connaît un grand succès. Cette pièce propose une réflexion sur les conventions sociales, les classes sociales, l’amour et la profondeur de ce sentiment.

Acte I : Dorante est un homme ruiné, dont l’ancien valet, Dubois, a dû le quitter puisque son maître ne parvenait plus à le payer. Dorante tombe très amoureux d’Araminte, et Dubois, qu’il rencontre et qui travaille pour elle, lui propose de mettre en place un stratagème pour que cette dernière ait des sentiments pour lui. Cela commence par l’intégration de Dorante parmi les employés d’Araminte. Monsieur Rémy, l’oncle de Dorante, le fait engager comme intendant : en effet, il souhaite le marier à Marton, la domestique d’Araminte. Mais la mère d’Araminte (Madame Argante) est fâchée, puisqu’elle voulait embaucher l’intendant proposé par le comte Dorimont, pour s’attirer ses bonnes grâces : elle souhaite que sa fille l’épouse, pour éviter un procès opposant les deux familles.

Extraits à retenir : 

  • Acte I scène 2, Dorante confesse ses sentiments sincères pour Araminte à Dubois. Il est incapable de contrôler les réactions de son corps tant son amour est sincère et précède toute stratégie. Dubois met alors en place un plan et a entièrement confiance en ses capacités à réussir : « Quand l’amour parle, il est le maître ; et il parlera. »
  • Acte I scène 6, Araminte fait preuve d’attirance pour Dorante, mais elle s’empêche de ressentir pleinement ce sentiment puisqu’elle a peur du regard des autres, du « qu’en dira-t-on », puisque Dorante est bien moins riche qu’elle.
  • Acte I scène 14, Dubois fait une vraie confidence à Araminte, il présente l’amour que ressent Dorante comme une maladie à soigner. Il ne révèle pas tout de suite que c’est d’elle dont Dorante est épris, et Araminte fait semblant de paraître désintéressée, prétend vouloir le licencier, mais en réalité elle pose des questions pour connaître l’identité de la femme aimée, ce qui trahit son intérêt. Il s’agit d’une vraie confidence, qui fait partie de la stratégie.

Acte 2 : Dorante tente de dissuader Araminte de se marier avec Dorimont, parce que ce mariage a pour but de lui éviter de perdre le procès contre lui. Dorante lui dit qu’elle peut gagner sans problème, qu’elle n’a pas besoin de ce mariage pour remporter ce procès. Dorante refuse également une proposition de mariage avec une femme possédant 15 000 livres de rente, parce qu’il est amoureux d’une autre. Marton pense qu’il parle d’elle. Un portrait représentant une femme est livré à Dorante, Marton pense que ce portrait la représente, alors qu’il incarne Araminte. Dubois fait semblant de l’avoir trouvé chez Dorante.

Extrait à retenir :

  • Acte II scène 13, Araminte soumet Dorante à une cruelle épreuve : rédiger la lettre dans laquelle elle annonce accepter de se marier avec Dorimont. Dorante fait preuve de beaucoup d’égarement, il est très perturbé, mais il ne révèle pas ses sentiments. Cette lettre montre que la stratégie provient de tous les personnages, Araminte aussi, et trahit les sentiments qu’elle a pour lui.

Acte III : Dubois fait en sorte que Marton tombe sur une lettre qu’il a dictée à Dorante, dans laquelle il révèle les sentiments qu’il a pour Araminte. Marton intercepte la lettre et la donne à Dorimont, qui la lit devant tous les personnages.

Extrait à retenir : 

  • Acte III scène 12, Araminte avoue enfin ses sentiments à Dorante suite à la lecture de cette lettre. Il fait de même, fou de joie. L’amour triomphe donc des conventions sociales, mais Dorante confesse avoir eu recours à un stratagème. Araminte lui pardonne : « Il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire. ». Mais cet aveu est une ultime manipulation plutôt qu’une preuve de sincérité, puisque Dorante fait peser toute la responsabilité sur Dubois et minimise son rôle. Cette fin marque la victoire du stratagème de son ancien valet.

Les thématiques abordées

  • L’amour : analysé en profondeur, sentiment très complexe ayant de nombreux obstacles. L’amour sincère est étudié, mais aussi l’amour intéressé : Araminte veut épouser Dorimont pour éviter un procès, elle est honteuse des sentiments que Dorante a pour elle parce qu’il est pauvre et qu’ils n’appartiennent pas à la même classe sociale, mais malgré cela elle l’aime. Deux obstacles donc : la société et l’ego !
  • Mensonge et stratagème : comme l’annonce déjà le titre de la pièce. Tout est masqué : Dubois met discrètement en scène son jeu de rôle, Dorante cache ses sentiments et suit les indications de Dubois, Araminte cache ce qu’elle ressent. Les stratagèmes et les fausses confidences vont au fur et à mesure dévoiler des vérités et forcer les personnages à révéler leurs vrais sentiments, à faire de vraies confidences. Cela peut faire penser au theatrum mundi : le théâtre du monde, c’est-à-dire que le monde est une pièce de théâtre pleine de faux semblants, d’hypocrisie, où chacun joue un rôle pour cacher qui il est vraiment.
  • Les conventions sociales : on est dans une société centrée sur l’argent et les intérêts financiers, les classes sociales. Exemple de Madame Argante qui est très mécontente que sa fille aime Dorante, parce qu’elle veut la fiancer à un noble.
  • Renversement des rapports de force dans la relation maître-valet : ce n’est pas le plus riche, le plus élevé socialement qui a le plus de valeur et de pouvoir, mais le plus intelligent. En effet, c’est Dubois qui mène la danse et s’impose comme un véritable metteur en scène, il guide Dorante et manipule tout le monde. C’est lui qui gagne véritablement à la fin de l’oeuvre, puisque c’est sa stratégie, qui a dupé tous les personnages, qui a fonctionné. Dimension métathéâtrale de la pièce : on a une mise en scène à l’intérieur d’une pièce de théâtre.

Le parcours "théâtre et stratagème"

Le stratagème est omniprésent : initialement, c’était Dubois qui manipulait les autres personnages, mais rapidement, ces autres personnages commencent à user de stratégies également. Exemple : la lettre d’Araminte, Marton incitant Araminte à épouser Dorimont, Dorante faisant peser toute la responsabilité sur Dubois…

Le mensonge est au service de la vérité : les nombreuses fausses confidences sont au service des vraies confidences. On veut forcer les personnages à révéler leur amour sincère et à abattre les obstacles des conventions sociales et de leur amour-propre, il s’agit de leur faire arrêter de dissimuler, de leur faire assumer la vérité.

Les textes complémentaires

Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand.

Cyrano est amoureux de sa cousine Roxane, tout comme Christian. Mais il se sent trop laid pour qu’elle puisse l’aimer en retour, alors il aide ce dernier à la séduire. Les deux hommes mettent au point un stratagème, mis en place par Cyrano, et que Christian doit suivre. Par exemple, dans l’acte III, Cyrano est caché sous le balcon de Roxane et souffle à Christian ce qu’il doit lui dire pour la charmer ; acte IV, Cyrano écrit des lettres qu’il fait passer pour celles de Christian. 

On ne badine pas avec l’amour, Musset, acte III scène 3

Extraits choisis : 

CAMILLE, lisant.- Perdican me demande de lui dire adieu, avant de partir, près de la petite fontaine où je l’ai fait venir hier. Que peut-il avoir à me dire ? Voilà justement la fontaine, et je suis toute portée. Dois-je accorder ce second rendez-vous ? Ah ! (Elle se cache derrière un arbre.) Voilà Perdican qui approche avec Rosette, ma sœur de lait. Je suppose qu’il va la quitter ; je suis bien aise de ne pas avoir l’air d’arriver la première.
(Entrent Perdican et Rosette, qui s’assoient.)
CAMILLE, cachée, à part.- Que veut dire cela ? Il la fait asseoir près de lui ? Me demande-t-il un rendez-vous pour y venir causer avec une autre ? Je suis curieuse de savoir ce qu’il lui dit.
PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende.- […] et tu m’aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules ; tu ne sais rien ; tu ne lirais pas dans un livre la prière que ta mère t’apprend, comme elle l’a apprise de sa mère ; tu ne comprends même pas le sens des paroles que tu répètes, quand tu t’agenouilles au pied de ton lit ; mais tu comprends bien que tu pries, et c’est tout ce qu’il faut à Dieu.

Dans cette scène, Perdican se fait metteur en scène : il donne rendez-vous à Camille près de la fontaine, pour que cette dernière assiste à la déclaration d’amour qu’il fait à Rosette. Evidemment, cette déclaration n’est pas sincère, c’est une stratégie visant à faire souffrir Camille, qui ne peut plus l’épouser puisqu’elle a décidé de partir au couvent.

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